Hommage aux hommes et femmes qui permirent la Libération de Paris
août 25, 2017 dans A la une, A vos côtés, Actualités par Catherine Baratti-Elbaz
Discours du 73e anniversaire de la Libération de Paris
Monsieur le Président du Comité d’entente des associations de combattants et de victimes de guerre du 12e arrondissement,
Mesdames et Messieurs les membres des associations d’anciens combattants,
Mesdames et Messieurs les anciens résistants,
Monsieur le commissaire,
Madame la Députée,
Mesdames et Messieurs les élus
Monsieur le Directeur,
Mesdames et Messieurs,
Les enfants,
C’est pour la Liberté que le peuple de Paris s’est soulevé et s’est battu en ce mois d’aout 1944, il y a 73 ans. Ce 25 août représente peut être l’un des plus beaux jours de l’Histoire de Paris.
Dans aucune autre ville de France le peuple ne s’est levé comme à Paris. Paris outragé s’est libéré par son peuple. C’était important pour Paris, pour la France.
Nous sommes réunis pour commémorer la Libération de la Capitale mais aussi pour rendre hommage à toutes celles et à tous ceux qui ont combattu ou donné leur vie pour que l’espérance triomphe.
Le peuple de Paris a vu des hommes et des femmes courageux se lever dès 1940 pour que ce jour de liesse de 1944 puisse exister. Des Résistants de la 1ère heure qui ont rejoint le Général, organisé la Résistance ici ou ailleurs.
Félix Éboué est un de ces résistants de la première heure. Gouverneur du Tchad, il assurera la protection de la voie stratégique vers le Congo français. Il fait ainsi construire les routes qui permettront en janvier 1943 à la colonne Leclerc de remonter rapidement vers l’Afrique du Nord. Il transforme l’Afrique Équatoriale Française en plaque tournante géostratégique d’où partent les premières forces armées de la France libre.
Décédé au Caire le 17 mai 1944 entouré de sa femme, il ne verra pas la Libération de Paris. Eugénie Eboué, son épouse s’engage elle, dans les Forces françaises libres féminines et devient infirmière à l’hôpital militaire de Brazzaville. Membre de la SFIO, elle sera députée de Guadeloupe des deux Assemblées nationales constituantes.
George Politzer français d’origine juive hongroise, démobilisé à Paris en 1940, reste proche de la direction du Parti communiste. Entré en clandestinité, il dirige l’édition d’un bulletin dès août 1940 avec Maï Politzer, son épouse. Philosophe de formation, il créé le premier réseau de Résistance universitaire. Traqués par la police, ils sont tous les deux arrêtés le 14 février 1942 à leur domicile du 18e arrondissement de Paris. Il sera fusillé le 23 mai 1942 au Mont Valérien. Maï Politzer succombera elle, du typhus à Auschwitz en mars 1943. Morts pour la France, ni l’un ni l’autre ne reverront le beau ciel de Paris.
Ils sont nombreux ces hommes et femmes qui, loin de Paris, ont contribué à ce jour de Liberté sans jamais voir Paris libéré, sans fêter la Liberté retrouvée dans nos rues.
C’est le cas de Guy Flavien qui après avoir animé plusieurs réseaux dans la clandestinité à Paris puis dans le maquis, sera arrêté le 4 aout 1944 quelques jours seulement avant ce beau 25 aout. Il mourra d’épuisement au camp de Buchenwald le 1er avril 1945, là encore seulement quelques jours avant l’arrivée des Alliés.
Après la défaite de 1940, certains militaires ont continué à se battre pour la France malgré leur démobilisation.
Constantin Rozanoff est de ceux-là. Jeune immigré russe, il est naturalisé français puis très vite appelé sous les drapeaux. Il s’illustrera comme pilote dans la bataille de France en 1940 puis en Tunisie. Il formera de nombreux jeunes au pilotage d’avions de guerre depuis l’Afrique du Nord, l’Angleterre puis les USA. Il deviendra Colonel.
Le capitaine Henri Frenay, est lui affecté comme officier d’état-major sur la Ligne Maginot en 1939. Lors du repli de son unité en juin1940 il est fait prisonnier. Réussissant à s’évader, il rejoint la zone libre. Sensibilisé très tôt à l’idéologie nazie, il est convaincu que la France finira par se relever, qu’elle ne doit pas céder. Il constitue alors le réseau Combat. Recherché en zone occupée par la Gestapo et en zone libre par la police française, Henri Frenay plonge rapidement dans la clandestinité. Depuis, Londres, Paris ou Alger il aide Jean Moulin dans sa mission d’unification des mouvements de Résistance. Après la Libération, comme Ministre des prisonniers, déportés et réfugiés, il s’attelle à la douloureuse mission d’assurer leur retour en France et de les réintégrer dans la communauté nationale.
Tous mirent leurs talents, leurs compétences, leurs vies au service de notre Liberté, y compris les civils, parfois très jeunes.
Louis Armand, haut fonctionnaire est ingénieur en chef à la SNCF ancienne compagnie Paris Lyon Marseille. En février 1943, il organise le groupe « Résistance-fer ». Le 25 juin 1944, Louis Armand est arrêté par la Gestapo.
Il retrouvera sa Liberté en même temps que Paris par cette belle journée du 25 aout.
Paul-Henri Grauwin lui est médecin. À peine sorti de la Faculté de médecine, son diplôme de chirurgien en poche, il entre dans le réseau de résistance Sylvestre et crée la première antenne chirurgicale dans le département du Nord. Participant aux combats de la libération, il recevra en trois jours une centaine de blessés FFI et Alliés.
Moussa Abadi né à Damas en Syrie (sous mandat français) dans l’un des plus vieux ghettos du monde, est juif, historien, homme de théâtre et de radio. Odette, est inspectrice médicale à Montargis. En juin 1940, ils quittent Paris pour se réfugier à Nice. Ils y fondent le Réseau Marcel qui sauvera la vie à 527 enfants. De retour de déportation en juin 1945, Odette retrouve Moussa. Ils se marient le 3 novembre 1959 à la Mairie du 12e arrondissement de Paris.
Jorge Semprun est encore au lycée Henri-IV, lorsqu’il participe à la manifestation patriotique interdite du 11 novembre 1940. En 1941, il commence des études de philosophie à la Sorbonne. Il entre en contact avec le réseau communiste des Francs-tireurs et partisans-Main-d’œuvre ouvrière immigrée (FTP-MOI). Il réceptionnera les parachutages d’armes et assurera leur répartition dans les maquis de l’Yonne et de la Côte-d’Or. Arrêté par la Gestapo en septembre 1943, il est déporté au camp de concentration de Buchenwald. Peu avant l’arrivée des troupes américaines du général Patton, il participe au soulèvement des déportés. Le camp est libéré le 11 avril 1945.
Jorge Semprún n’aura pas assisté à la Libération de Paris, mais aura donné les plus belles années de sa jeunesse à la Résistance pour que ce jour arrive.
Devenu écrivain, il lui a été impossible d’écrire pendant plus de vingt ans quoi que ce soit sur son expérience de déporté. Pour sauvegarder sa propre existence, mise en danger par l’écriture de l’indicible, il qualifiera son état d’amnésie volontaire.
Comme secrétaire de l’Académie française, Paul Valéry, est âgé de 70 ans lorsqu’il prononce l’éloge funèbre du « juif Henri Bergson ». En représailles, il perdra son poste. En 1942, il dédicace un de ses livres à Hélène Berr, qui décide alors de tenir son journal.
Ne pouvant passer l’agrégation en raison des lois antisémites du régime de Vichy sur le statut des Juifs, Hélène Berr se présente au siège de l’Union générale des israélites de France (UGIF) où elle est recrutée comme assistante sociale bénévole. Elle sera arrêtée à son domicile du 7e arrondissement, le 8 mars 1944, déportée au camp de Drancy, puis Auschwitz, puis à Bergen-Belsen. Le 10 avril 1945, elle y est battue à mort, quelques jours seulement avant la libération du camp par les troupes anglaises. Elle ne reverra jamais Paris.
Germaine Tillion, participera activement au réseau de Résistance du Musée de l’Homme où elle s’attachera à l’assistance aux prisonniers de guerre, notamment africains. Arrêtée, torturée, condamnée, emprisonnée, déportée, évacuée vers la Suède elle réussira à survivre. Dès l’après guerre elle travaillera activement à ce que la réalité des camps nazis soit établie et les responsabilités établies. Depuis 2015, elle est une des quatre femmes à reposer au Panthéon.
Joseph Kessel fils d’émigrés juifs, était grand reporter. Très vite après la défaite il rejoint la Résistance. Il franchit clandestinement les Pyrénées pour gagner Londres et s’engager dans les Forces aériennes françaises libres du général de Gaulle.
En 1943, à Londres, c’est lui qui compose les paroles françaises du « Chant des Partisans » qui deviendra le chant de ralliement de la Résistance. A la fin de la guerre, il est capitaine d’aviation, et survole la France la nuit pour maintenir les liaisons avec la Résistance.
Quelques années plus tard, lors de son entrée à l’Académie Française, il réaffirmera que « les origines d’un être humain n’ont rien à faire avec le jugement que l’on doit porter sur lui ». Des mots qui résonnent particulièrement dans notre actualité.
Comme Maire du 12e arrondissement de Paris, je suis fière que nos rues et places, nos établissements scolaires, notre médiathèque portent les noms de ces hommes et de ces femmes là. Nous passons devant tous les jours, alors aujourd’hui, alors que nous fêtons la libération de Paris, rendons leur un hommage particulier. Ces parcours, ces vies trop courtes, ces destins fauchés, nous rappellent l’exigence et le prix de la liberté.
Quelques soit leurs âges, leurs origines, leurs religions, leurs couleurs de peau, hommes comme femmes, ils se sont battus, ils ont soufferts, ils sont tombés pour la Libération de Paris et l’honneur de la France. Aujourd’hui comme demain, nous devons les honorer et nous inspirer de toutes celles et ceux, comme eux, qui n’ont pas renoncé, qui n’ont pas capitulé devant l’injustice et la barbarie.
Je finirai en reprenant les mots de Lise London, résistante qui donnera son nom dans quelques jours à l’une de nos places « Restez vigilant face aux totalitarismes quelle que soit l’appellation. Ouvrez grand les yeux, ne vous laissez pas enfermer dans les certitudes, n’hésitez pas à douter, battez-vous contre les injustices ».
Je vous remercie