71ème anniversaire de la Libération de Paris
août 25, 2015 dans A la une, A vos côtés par Catherine Baratti-Elbaz
Retrouvez ici mon discours prononcé lors de la cérémonie de ce 25 août 2015
Monsieur le Président du Comité d’Entente des Associations des Anciens,
Monsieur le Vice-président National de l’Union Française des Associations de Combattants et de Victimes de Guerre,
Mesdames et Messieurs les anciens résistants,
Mesdames et Messieurs les membres des associations d’anciens combattants,
Mesdames et Messieurs les élus
Madame la Commissaire centrale,
Mesdames et Messieurs,
Les enfants du centre de loisirs de Bercy
En ce mois d’aout 1944, le peuple de Paris s’est levé, pour sa liberté, pour la Liberté de la France, sans attendre, il a repris les rennes de son destin.
71 ans plus tard, il nous appartient de saluer la mémoire et le courage de celles et ceux qui « hier comme aujourd’hui, ici et ailleurs, combattent pour la Paix, la Liberté et les Droits de l’Homme. »
Ce peuple de Paris fait l’esprit de notre ville. Cette ville unique au monde, dont Mérimée disait dès 1848 « Sera-t-il possible de faire quelque chose d’un peuple pour qui un jour d’émeute est un jour de fête ? ». Car en août 1944, c’est bien des Parisiens en liesse qui acclament les forces alliées qui entrent dans Paris.
Une ville dans laquelle dès le 19 aout au petit matin, plusieurs milliers de policiers français, en civil et désarmés par les Allemands, se soulèvent et reprennent la Préfecture de police de Paris. Par leur courage les gardiens de la paix parisiens ont permis au drapeau français de flotter à nouveau sur ce bâtiment, le 1er des bâtiments publics libérés. Ce soulèvement est comme un prélude à la Libération de la ville.
L’histoire le démontre, encore aujourd’hui, en se soulevant le peuple de Paris fait chanceler l’ordre du monde. Quand Paris est libéré, c’est l’humanité toute entière qui gagne face à la barbarie et les cloches du monde entier sonnent pour l’annoncer.
C’est le fruit du combat des Parisiens, ces veilleurs habités par le courage et ce rêve de liberté. « Les imprimeurs, porteurs de bombes, déboulonneurs de rails, incendiaires, distributeurs de tracts, contrebandiers, porteurs de messages » que glorifiait déjà Robert Desnos en 1942.
Qu’aurions nous fait à leur place ? Qui ne se pose pas cette question ? Nous gens ordinaires, dans une situation extraordinaire, aurions nous eu le courage de nous lever ? Aurions-nous eu le courage de désobéir ? Dès la 1ère heure nous aurions rejoins le maquis ou suivi les pas du général de Gaulle ou aurions-nous attendu que la collaboration de l’Etat français avec les nazis devienne une réalité du quotidien ? Ou aurions nous réagit devant l’évidence de la déportation sélective des juifs, tsiganes, communistes, homosexuels… ?
Ces questions nous ne pouvons pas ne pas nous les poser mais comme il est difficile d’y répondre.
Le débarquement des forces Alliées a été un puissant déclencheur de la mobilisation complète des Parisiens.
Après 4 ans d’occupation Allemande, début juin 1944 l’annonce du débarquement en Normandie constitue un électrochoc qui déclenche la mobilisation de nombreux volontaires, dont beaucoup de jeunes qui veulent enfin combattre au grand jour. Si la mobilisation s’étend sur l’ensemble du territoire national, elle est particulièrement forte dans la capitale.
A Paris, le ravitaillement reste une préoccupation quotidienne des parisiens depuis le printemps 44. Les années d’occupation ont été pour l’ensemble des Parisiens synonymes de peurs et de privations. Les coupures de gaz et d’électricité se multiplient. Les bombardements sont quotidiens.
En juillet, le débarquement Normandie n’a toujours pas encore changé le quotidien des Parisiens, les Allemands restent omniprésents. Paris est comme figée, isolée. Les Parisiens s’impatientent. Pourtant la libération de Paris n’est pas une priorité pour les forces alliées, qui considère Paris comme un fruit mur qu’il sera facile de cueillir après l’avoir contourné. Paris n’est pas non plus une priorité pour les forces allemandes qui essaient de rallier l’est en évitant la capitale. Le plan allemand est un plan d’évitement de Paris et de bunkerisation des dernières troupes allemandes de la capitale repliées dans quelques points stratégiques. Mais Paris a valeur de symbole pour Hitler, qui en fait une affaire personnelle et ne consent à perdre la ville que détruite entièrement. Pourtant Paris se sauvera.
Les 10 aout le mot d’ordre est lancé : « En avant pour la bataille de Paris » il s’affiche sur les murs de la capitale. Les grèves se multiplient, les cheminots sont les premiers. Le 13 aout Rol-Tanguy lance un appel aux policiers pour l’arrêt immédiat de la collaboration avec les allemands.
Dans la nuit du 14 au 15 aout, une armée largement composée d’africains, débarque en Provence. La rumeur de sa progression rapide dans la vallée du Rhône arrive à Paris et contribue à la mobilisation les Parisiens. Un vrai bouillonnement souterrain s’organise dans la capitale.
Le 18 aout la grève générale des services publics est effective. Les gares se vident. Alors que la population parisienne manque de tout, les convois allemands vers l’Est se multiplient.
L’insurrection de Paris est lancée. L’appel à la mobilisation générale est affiché.
On assiste alors une véritable guérilla urbaine au cœur de la capitale comme en témoignent les plaques commémoratives devant lesquelles nous nous sommes recueillis ce matin. L’objectif est clair : « C’est un peuple vainqueur qui recevra les Alliés »
Le 21 août, le 12e arrondissement comme d’autres, se couvre de barricades et se mobilise presque entièrement aux côtés des Résistants. Le 23 août, la Caserne de Reuilly, lieu symbolique de notre arrondissement, fut reprise par Maurice Brassart, dirigeant du groupe de combat du réseau Résistance de la Libération du Nord du 12e.
Le 12e arrondissement a la chance de compter encore parmi ses résidents certains de ces hommes et de ces femmes d’exception à qui je souhaite rendre hommage aujourd’hui.
Le 24 aout presque partout les FFI ont le contrôle de la rue parisienne.
Le 25 août, le Général de Gaulle accompagné par la 2e Division Blindée et par les Forces Françaises de l’Intérieur entrent dans Paris.
Paris est libéré, le peuple de Paris s’est levé.
Aujourd’hui, nous rendons hommage à cette ville insurrectionnelle, dont le passé nous inspire. Nous rendons hommage à celles et ceux qui ont résisté, qui se sont levés pour l’honneur de Paris et celui de la France. L’insurrection de la population n’a été observée que dans très peu de grandes villes françaises, les volontaires préférant souvent rejoindre le maquis. A Paris, c’est le peuple qui se soulève pour se battre et reprendre les lieux du pouvoir central de la capitale, comme pour laver la honte de 1940. C’est l’exception parisienne.
Ainsi le 26 aout, aux côtés du Général, sur les Champs Elysées défilent communistes, socialistes, radicaux, démocrates-chrétiens, la droite libérale et catholique, côte à côte. Sortant enfin de la clandestinité ces hommes montrent un visage de la Résistance représentatif du peuple de Paris, un peuple uni. En ces jours de liesse et de fraternité, les résistants rendent aussi hommage à leurs camarades hommes et femmes, tombés au cours de ces 1537 jours durant lesquels le drapeau nazi a flotté sur les toits de notre ville.
Mais Paris a aussi été le témoin des pires horreurs de la sauvagerie nazie et porte encore aujourd’hui les stigmates de la complicité du gouvernement de Vichy. A l’heure ou nous évoquons l’héroïsme et la liesse de la Libération, je pense aussi aux deux journées abominables que furent les rafles du Vel d’Hiv, deux journées durant lesquelles la police française, aux ordres du gouvernement de Pétain et des autorités allemandes d’occupation, organise les rafles de plus de 13 000 Parisiens dont plus de 4000 enfants, parce que juifs. Moins de 100 reviendront.
Ces actes antisémites d’Etat sont gravés dans la mémoire de Paris et des Parisiens. Nous avons le devoir de transmettre sans relâche cette histoire, aussi douloureuse soit-elle, car cette mémoire est nôtre, Paris en est l’héritière. Les lieux que nous parcourons quotidiennement restent habités par ces vies qui se sont arrêtées trop tôt. Nous poursuivrons la pose de plaques commémoratives relatant ces horreurs comme nous ne le ferons prochainement devant le foyer-logement Rothschild, ancien orphelinat qui a vu la déportation de nombreux enfants juifs français.
Mais en ce jour, nous célébrons les combattants de la liberté, qui, habités par une résolution inébranlable de vaincre ont faire preuve d’un courage hors du commun en présence de l’envahisseur.
Ces hommes ont choisi de résister, de dire non au joug nazi. Hier comme aujourd’hui, ces hommes et se femmes doivent nous inspirer le respect. Certains étaient militaires, policiers, mais beaucoup n’étaient pas prédisposés à se battre, pourtant ils se sont levés.
Fidèle à elle-même, Paris a été libérée par son peuple, le soulèvement de l’été 1944 a été digne de l’histoire révolutionnaire de notre ville, digne des valeurs universelles que notre ville porte. Des valeurs que d’autres sont venus défendre à nos côtés. N’oublions pas, n’oublions jamais, ceux qui depuis l’Afrique, l’Angleterre mais surtout l’Amérique sont morts sur notre sol ; pour notre Liberté.
Je clôturerai ce discours par ces quelques vers d’Aragon, prononcés par les enfants tout à l’heure qui dépeignent justement ce que fût la joie des Parisiens et nous font partager un peu de l’air du temps de ce 25 août 1944 :
« Rien ne m’a fait jamais battre le cœur
Rien ne m’a fait ainsi rire et pleurer
Comme ce cri de mon peuple vainqueur
Rien n’est si grand qu’un linceul déchiré
Paris Paris soi-même libéré ».
Je vous remercie