8 mai 2015 70 ans après
mai 10, 2015 dans A la une, A vos côtés par Catherine Baratti-Elbaz
Retrouvez ici mon discours prononcé à la fin de la cérémonie du 8 mai 2015 devant la Mairie du 12e.
Monsieur le Président du Comité d’entente des associations d’anciens combattants du 12e arrondissement,
Monsieur le Vice-président de l’Union Française des Association de Combattants et de Victimes de Guerre,
Mesdames et Messieurs les membres des associations d’anciens Combattants,
Mesdames et Messieurs les anciens résistants,
Madame la Commissaire,
Madame la Directrice de l’école Lamoricière
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs,
C’est avec beaucoup d’honneur que je m’adresse à vous en ce jour, à l’occasion du 70e anniversaire du 8 mai 1945.
Nous commémorons aujourd’hui, la victoire des Alliés sur le fascisme et sur l’obscurantisme qui sont à l’origine d’une des périodes les plus sombres de l’histoire de l’humanité, de notre histoire.
Commémorer cette date, cette victoire, c’est également rappeler les défaites qui l’ont précédé ainsi que les terribles errances qui les ont nourries.
« les vivants ne peuvent plus rien apprendre aux morts, (…) les morts au contraire, instruisent les vivants » disait Chateaubriand.
Les 60 millions de morts d’un conflit unique par l’ampleur de sa violence, ont conduit à l’avènement d’un monde nouveau ces victimes ont encore bien des choses à nous enseigner. Nous devons faire ce travail ensemble.
Nous devons toujours nous rappeler que cette victoire du 8 mai est d’abord celle de millions de combattants.
Ces soldats du monde entier, de la France coloniale, ces civils hommes et femmes, ces victimes juives dont de nombreux enfants, homosexuelles, tziganes ; ces résistants, ces combattants sont tous des artisans de cette victoire.
Aujourd’hui, c’est d’abord à eux que nous pensons, à eux que nous rendons hommage. Un hommage à ces armées visibles et invisibles, ces hommes et femmes volontaires qui ont donné leur vie pour qu’arrive ce jour de liberté, pour que nous soyons libres, 70 ans après.
Le 8 mai est une victoire sur la dictature et le fascisme, la victoire d’hommes et de femmes d’horizons différents, souvent opposés, mais qui ont décidé d’unir leurs forces, de se rassembler pour défendre leurs idéaux communs de liberté, d’égalité de justice et de dignité.
Au-delà de la victoire, c’est la mémoire des combats menés que nous célébrons en ce jour.
Ces hommes et ces femmes qui ont donné leurs vies, étaient comme vous et moi, ils étaient habités par de convictions et d’un courage et une volonté, qui ont menés notre pays à la victoire.
Une volonté qui ne s’est pas arrêtée à la victoire idéologique et militaire.
En effet, suite à la capitulation allemande, la paix était loin d’être acquise, elle était même fortement menacée, notre pays était ravagé.
Nous devons une nouvelle fois rendre hommage à nos ainés, qui après avoir gagné la guerre ont su construire la paix, rassembler les français.
En cette année 1945, première année civile de la paix rétablie, la France est dévastée, en proie à toutes les souffrances. Les plaies sont béantes, c’est la découverte de l’horreur des camps, le retour des prisonniers, déportés et travailleurs forcés. Les survivants ont du mal à raconter l’horreur d’où ils reviennent.
Le peuple est encore ravagé par les peurs de la guerre civile, les conflits de réparation, les procès d’épuration.
Qui ne souvient pas du visage de ces femmes tondues victimes de la vindicte populaire, de la « justice virile »?
Les fractures de la société française sont à vif, le territoire est dévasté par les combats de la Libération, l’économie est au plus mal. C’est le rationnement imposé qui perdure.
C’est dans ce contexte que renait la France Nouvelle : une réforme des institutions décidée par le peuple, un nouveau modèle social et économique.
Un rétablissement qui n’aurait pu avoir lieu sans le visionnaire Général De Gaulle, sans l’appel du 18 juin 1940, sans ce cri de colère face à l’invasion et la désespérance d’un pays tout entier, sans de la résistance et d’un contre-gouvernement.
L’avenir fût bâti par des hommes tels que Robert Chambeiron, résistant, compagnon de Jean Moulin, et secrétaire général adjoint du Conseil National de la Résistance, décédé en décembre dernier.
Ce Conseil National de la Résistance composé de personnes de sensibilités politiques et sociales différentes, rassemblées autour de l’essentiel, les valeurs de la République. La cause de leur combat commun dépassait le sens de leur propre vie ; la liberté de leur peuple et de leur pays, son honneur.
Ces personnages ont rendu sa grandeur à la France dans une ère hantée par le deuil et muée par l’espoir. C’est leurs convictions et leur détermination qui a porté tout un peuple.
Nous nous devons de rappeler et d’honorer cet héritage dans cette période que nous traversons troublée par l’effroi et la peur engendrés par l’horreur issue de la violence des extrémismes.
Une horreur qui, comme il y a 70 ans, a trouvé son essence et sa force dans la haine semée dans les consciences de chacun, en profitant avec un cynisme inouï de l’aggravation des tensions culturelles et sociales dans une société en crise. 70 ans après ne laissons pas glisser notre pays dans la haine de l’autre pour sa différence
Il y a tout juste un an, j’alertais notre jeunesse qui n’avait jusqu’ici connu que la paix en empruntant ces mots à François Mitterrand « la guerre, ce n’est pas seulement le passé, cela peut être notre avenir », Ces dernières années, ces derniers mois, ces dernières semaines nous rappellent que face à la progression intolérable du racisme, de l’antisémitisme et du communautarisme dans notre société, nous devons être à la hauteur de ces combattants de la liberté, ne pas « trahir le passé » et encore moins « hypothéquer l’avenir »
Comme l’écrivait Louis Aragon en 1943
« Je vous salue ma France où les blés et les seigles murissent au soleil de la diversité ».
Je vous remercie.