72eme anniversaire de la Libération de Paris
septembre 4, 2016 dans A la une, A vos côtés, Actualités par Catherine Baratti-Elbaz
Discours du 72e anniversaire de la Libération de Paris
Monsieur le Président du Comité d’Entente des Associations des Anciens,
Monsieur le Vice-président National de l’Union Française des Associations de Combattants et de Victimes de Guerre,
Mesdames et Messieurs les anciens résistants,
Mesdames et Messieurs les membres des associations d’anciens combattants,
Mesdames et Messieurs les élus,
Madame la Commissaire centrale,
Monsieur de Capitaine de l’opération Sentinelle
Madame la Directrice du centre de loisirs,
Mesdames et Messieurs,
Les enfants,
Que l’on touche à la Liberté et Paris se met en colère.
En août 1944, deux mois et demi après avoir débarqué en Normandie, les forces alliées arrivent enfin aux portes de la capitale.
Le 19 août, au lendemain d’un appel à la mobilisation proclamé par le colonel Rol-Tanguy, les premiers combats contre l’occupant nazi ébranlent les rues de Paris. Des mairies, des sièges de journaux, la préfecture de police puis l’Hôtel de Ville sont pris d’assaut. Les drapeaux bleu blanc rouge fleurissent sur les mairies, les hôpitaux, les écoles, et déjà quelques balcons.
Paris a la fièvre. Les barricades se dressent partout, chacun trouve une arme. Les femmes, les jeunes comme les seniors s’activent pour déceler les pavés, abattre les arbres, semer les tessons de bouteilles pour retarder les patrouilles allemandes. Après la Normandie, la Provence, on veut vivre libre à Paris aussi.
Les barricades sont nombreuses boulevard Diderot et avenue Daumesnil. On s’est beaucoup battu le 25 à Bastille et aux abords de la gare de Lyon. Le 26 aout, l’aviation allemande bombardera encore Paris, dont la Mairie du 12e et le quartier de Bercy.
C’est l’armée américaine qui rentre en premier dans le 12e par l’avenue Daumesnil, le faubourg St Antoine puis le cours de Vincennes. C’est enfin, « la fin de la nuit nazie en Europe », titrera dans l’enthousiasme le New York Times.
La ville lumière a été plongée dans le noir pendant 4 ans. Mais aucunes coupures d’électricité aucun couvre-feu n’empêcheront jamais Paris d’être Paris. Aucune oukaze ne forcera jamais tous les Parisiens à se coucher à la même heure.
Le 25 août Paris a retrouvé la lumière après la peur et le froid. La foule des Parisiens est en délire et fête sa Liberté retrouvée. C’est le retour des beaux jours, après 4 ans d’obscurité.
« La romance de Paris monte des faubourgs, au coin des rues elle fleurit, tout le monde en est épris » dit la chanson. Enfin un peu de rêve et d’amour s’empare de la ville. En ce mois d’aout 44 le peuple de Paris se soulève enfin, comme pour laver l’affront de 1940 et reprendre par lui-même le pouvoir sur les lieux stratégiques de la ville et du pays.
Ceux qui sont restés, vont attendre le retour des leurs proches un père, un frère, un fils, un mari… Un million de prisonniers de guerre, des centaines de milliers de jeunes du Service du travail obligatoire (STO), des dizaines de milliers de déportés par mesure de répression et enfin les 76 000 hommes, femmes et enfants déportés comme juifs. Parmi eux, 13 150 juifs parisiens arrêtés, puis déportés, moins de 100 reviendront.
Ces actes antisémites d’Etat sont gravés dans la mémoire de Paris et des Parisiens. Les lieux que nous parcourons quotidiennement restent habités par ces vies qui se sont arrêtées trop tôt. Nous poursuivrons la pose de plaques commémoratives relatant ces horreurs comme nous l’avons fait au foyer-logement Rothschild, ancien orphelinat qui a vu la déportation de nombreux enfants et comme nous le ferons prochainement sur le parvis de l’hôpital Rothschild pour honorer la mémoire de ces résistants et résistantes qui ont refusé l’intolérable.
Les retrouvailles seront douloureuses, souvent dans le silence. Les mots ne viennent pas facilement pour décrire l’horreur.
L’attente a été longue, le retour sera difficile. Ceux qui reviennent sont blessés, meurtris. « Le souffle de la guerre éparpille les hommes puis les assemble et fait qu’ils s’entrechoquent, provoquant l’inimaginable » dira Edmonde Charles Roux, décorée de la Croix de guerre pour son implication dans la Résistance comme infirmière elle nous a quitté en janvier 2016.
Les femmes qui sont resté ont tenu, elles ont continué à vivre, à faire tourner le pays. Elles ont appris à vivre sans leurs hommes. La Résistance leur donnera de nouveaux droits et en particulier celui de voter. Je pense particulièrement à Raymonde Tillon, décédée le 17 juillet dernier, figure de la Résistance, qui fût arrêtée, puis déportée avant d’être élue députée en 1945.
A la Libération, la Résistance est reconnue comme crédible, légitime, représentative et responsable, et donc apte à exercer le pouvoir pendant la transition démocratique. La Résistance s’est construite par fédérations successives de forces politiques et sociales distinctes, jusqu’à se donner, en avril 1944, un gouvernement d’union nationale.
De la droite aux communistes, en passant par les socialistes, les radicaux et les chrétiens-démocrates, à l’exception de l’extrême droite, ils sont tous unis dans le même engagement, celui de défendre une certaine idée de la France, bien loin de celle de Vichy.
Déjà, le Conseil national de la Résistance (CNR), constitué en mai 1943 dans la clandestinité comme « embryon de la représentation nationale », comprend le même éventail de tendances. Il y ajoute les délégués des deux syndicats de l’époque, la CFTC et la CGT, ainsi que les représentants des mouvements de résistance, de toutes tendances et des deux zones.
Les discussions sont vives, les désaccords sont fréquents parfois profonds, mais l’union tient. Une union dans la diversité, unique en Europe, qui signe le caractère démocratique de la Résistance française.
L’unité est aussi le fait d’un homme, Charles de Gaulle, qui a réussi à obtenir et à conserver, jusqu’au bout, le soutien de l’ensemble des organisations résistantes. Sortant de la clandestinité, ils défileront à ses côtés sur les Champs-Elysées.
Face à la guerre, face à la barbarie nazie, les Résistants ont su s’unir et dépasser leurs différences pour défendre les valeurs auxquelles ils étaient attachés.
En juin 1940, quand le général entre en dissidence il se voit, non le chef d’une légion étrangère, mais celui d’une France toujours en guerre, alliée à la Grande-Bretagne. Depuis Londres il organisera les réseaux, depuis Londres il enverra des messages, des hommes, des armes pour construire cette union. Nous devons beaucoup à la Grande Bretagne et nos liens actuels doivent puiser dans cette histoire commune pour affronter les nouvelles épreuves. Je suis fière de la présence du nouveau Maire de Londres aux cotés de la Maire de Paris aujourd’hui pour commémorer ensemble la Libération de notre ville capitale.
Très vite le Général se dotera également d’une base territoriale en Afrique équatoriale française qui jouera un rôle stratégique très fort dans la victoire mais qui paiera aussi un lourd tribu pour la Libération de la France. La France doit aussi sa liberté à cette Afrique qui a abrité les forces Alliés et beaucoup de résistants et ainsi permis l’organisation du débarquement en Provence.
Nous devons à ces hommes, magrébins comme d’Afrique de l’ouest, des nos colonies françaises, certains sont venu mourir sur notre sol pour notre Liberté. Nous leur sommes redevables et ces liens indéfectibles nous obligent, aujourd’hui encore.
Aujourd’hui, nous rendons hommage à cette ville insurrectionnelle. Nous rendons hommage à celles et ceux qui ont résisté, qui se sont engagés pour l’honneur de Paris et celui de la France. Certains étaient militaires, mais beaucoup de simples civils. Des hommes mais aussi des femmes, des religieux, des intellectuels, des militants politiques mais aussi des ouvriers, des paysans… chacun a fait le choix de s’engager, de mettre sa vie en danger, celles de ses proches pour défendre la France.
Aujourd’hui souvenons nous de ces engagements de ces hommes et femmes si différents qui en temps de guerre ont trouvé le courage de se lever. Engagement parfois individuel, dans un élan spontané pour refuser de renoncer à son honneur, pour refuser de capituler face à l’ennemie.
Engagement parfois collectif, organisé, structuré dans un réseau regroupant ceux qui partagent un même engagement, une même profession…
Quelles qu’en soient les circonstances, que l’engagement soit de la 1ère heure ou de la dernière, inspirons nous de ces combattants, engageons nous aussi, à titre individuel comme à titre collectif, pour faire rempart à la barbarie qui à nouveau aujourd’hui frappe notre pays. Elle a un nouveau visage, d’autres armes, mais elle tue aussi, parfois massivement et aveuglement hommes femmes et enfants, ou bien de manière ciblée ici des militants de la liberté d’expression, là des juifs ou encore un prêtre devant ses fidèles…
Nous n’avons pas d’autres voies que de nous lever à notre tour pour défendre nos valeurs, défendre ce qui nous rassemble et devenir des soldats de la paix comme nous y invitait récemment l’archevêque de Rouen, aux cotés de nos soldats qui au quotidien dans notre ville à nouveau nous protège.
C’est par l’engagement de ses citoyens que la République est plus forte que la barbarie. La France doit rester le pays de la Liberté, de l’égalité et de la fraternité.
Nous le devons à tous ceux qui sont morts pour libérer Paris.
Je vous remercie